Vous avez sans doute déjà entendu parler de l’affaire des sorcières de Salem, survenue en 1692 dans le Massachusetts colonial. Cet épisode demeure l’un des plus marquants de l’histoire judiciaire américaine : une vague d’accusations de sorcellerie, nourrie par la superstition, le fanatisme religieux et les tensions sociales, a conduit à l’exécution de vingt personnes. Mais au-delà des explications classiques, fanatisme religieux, rivalités communautaires ou hystérie collective, une hypothèse pharmacologique intrigue les chercheurs depuis plusieurs décennies : et si une intoxication à une plante hallucinogène, le Datura stramonium, avait contribué à déclencher ces événements ?
Une crise de sorcellerie au parfum de Datura ?
Pendant longtemps, la théorie de l’ergotisme, causé par l’ingestion de seigle contaminé par l’ergot de seigle (un champignon hallucinogène), a été avancée pour expliquer les symptômes des “victimes” de sorcellerie à Salem : visions, convulsions, sensations de brûlures, comportements délirants. Cette hypothèse a été popularisée notamment par l’historienne Linda Caporael, dans un article publié en 1976 dans la revue Science.
Cependant, d’autres chercheurs ont remis en question cette théorie, soulignant que l’ergotisme aurait touché plus largement la population, alors que les symptômes étaient surtout observés chez un petit groupe de jeunes filles. C’est dans ce contexte qu’a émergé une autre piste : celle d’une intoxication avec le Datura stramonium, plante toxique connue pour ses effets hallucinogènes puissants et imprévisibles. Cette plante, appelée aussi “Herbe du diable” ou “Pomme épineuse”, était déjà bien connue des populations autochtones d’Amérique du Nord pour ses usages médicinaux et rituels.
Les effets hallucinogènes du Datura !
La datura contient des alcaloïdes tropaniques tels que l’atropine, la scopolamine et l’hyoscyamine. Ces substances provoquent des hallucinations visuelles et auditives intenses, une confusion mentale, des délires de persécution, et parfois une amnésie totale de l’épisode vécu…des symptômes étrangement similaires à ceux décrits lors des procès de Salem.
Selon l’ethnobotaniste Wade Davis, célèbre pour ses travaux sur les psychotropes dans les cultures traditionnelles, la datura aurait pu être consommée involontairement par certaines jeunes filles de Salem, possiblement par l’ingestion de décoctions à base de plantes locales ou dans le cadre de remèdes traditionnels d’origine amérindienne ou africaine (cf. The Serpent and the Rainbow, 1985). Toutefois, aucune preuve formelle ne permet d’affirmer avec certitude que cette plante hallucinogène a effectivement été utilisée à Salem en 1692.
L’hypothèse de l’intoxication au datura, à l’instar de celle de l’ergotisme, propose une lecture biologique ou pharmacologique des événements. Elle ne saurait cependant occulter les dimensions sociales, religieuses et politiques qui ont profondément structuré la chasse aux sorcières. L’idée que des substances hallucinogènes comme la datura aient pu contribuer à l’hystérie collective des procès de Salem reste fascinante : elle introduit une explication naturelle à ce qui fut perçu, à l’époque, comme ne pouvant que relever du surnaturel !
Jardinier-paysagiste et géographe de formation, je suis passionné par le monde végétal et ses innombrables curiosités. Fondateur de la Graineterie Alsagarden et militant d’un jardinage en accord avec la Nature, je suis aussi un fervent défenseur des variétés anciennes, libres et reproductibles. Découvrez mon parcours, mon histoire et mes dernières publications via ce lien !