Du Thuya au Photinia : la standardisation des haies, une erreur qui se répète

Pendant des décennies, le Thuya a été l’icône incontestée des jardins pavillonnaires. Facile à planter, peu exigeant en entretien, et surtout doté d’un feuillage persistant et dense, il cochait toutes les cases du parfait “rideau de verdure”. Dès les années 1960 et jusqu’au début des années 2000, les lotissements français ont vu pousser des kilomètres de haies monospécifiques de thuyas, souvent taillées au cordeau, incarnant une véritable standardisation paysagère !

Sous les haies bien taillées, un désastre écologique !

Mais ce succès s’est vite heurté à ses propres limites. D’un point de vue écologique, une haie composée uniquement de thuyas offre peu d’intérêt pour la faune. Son feuillage abrite peu d’insectes, et peu d’oiseaux. Le thuya a un système racinaire dense et peu profond qui assèche rapidement le sol autour de lui. Il libère des substances allélopathiques (composés chimiques naturels) qui peuvent inhiber la croissance des autres plantes à proximité. Résultat : peu d’autres végétaux arrivent à pousser sous ou près d’une haie de thuya.

Plus grave encore : cette uniformité végétale a rendu les jardins vulnérables aux maladies. Depuis les années 2000, le thuya est en proie à un champignon dévastateur, le Pestalotiopsis ou Phytophthora, qui provoque un brunissement rapide et irréversible des sujets. Les haies, jadis fières murailles végétales, se transforment alors en alignements squelettiques, roussis, parfois totalement morts en quelques saisons.

Un nouveau cycle de standardisation !

Dans ce vide paysager, le Photinia x fraseri ‘Red Robin’ s’est peu à peu imposé. Avec ses jeunes pousses rouges au printemps, son feuillage brillant et sa croissance rapide, il cumule les atouts esthétiques. De plus, il est persistant, comme le thuya, mais moins rigide dans son aspect, apportant une touche de couleur bienvenue. Les jardineries l’ont bien compris, en faisant une plante phare de leurs rayons « haies décoratives ».

Mais le succès du photinia pose les mêmes problèmes que celui du thuya : une monoculture végétale à grande échelle, certes plus colorée, mais tout aussi pauvre du point de vue écologique. Déjà, des signes de fatigue apparaissent dans certaines régions : tavelures foliaires, voire des maladies fongiques. Le tout accentué par la multiplication de plantations massives dans les jardins et les lotissements.

Repenser la haie : vers la diversité végétale !

Remplacer le Thuya par le Photinia, c’est prolonger une logique dépassée, il est temps de repenser la haie dans son ensemble. Une haie composée, associant arbustes caducs et persistants, à floraison et fructification étalées, attire oiseaux, pollinisateurs et insectes utiles. Des essences locales comme le noisetier, le cornouiller sanguin, le sureau noir, le troène, ou encore l’aubépine, apportent autant de refuge que de nourriture à la faune tout en s’intégrant harmonieusement au paysage. Aussi, ce type de haie est bien plus résiliente aux cas de maladies.

Le Photinia, à l’image du Thuya jadis, séduit par sa praticité et son esthétique. Mais si nous voulons des jardins vivants et résilients, il ne faut pas tomber dans les travers d’une nouvelle standardisation. La haie ne doit plus être vue comme une simple barrière ou “brise vue”, mais comme un écosystème, riche, varié, et en harmonie avec son environnement.