Je suis une plante herbacée, parfois un peu ligneuse. Je pousse là où l’on ne m’attend pas, là où les jardiniers préféreraient ne pas me voir. Les humains me considèrent comme une indésirable. Ils m’appellent adventice, ou pire encore : “mauvaise herbe”. Mais qu’ai-je donc fait pour mériter une telle réputation ? Je ne suis ni particulièrement exotique ni envahissante. Certes, je pousse aux côtés des plantes cultivées, celles que les humains jugent “utiles”, les “bonnes herbes”. Mais que me manque-t-il, à moi ? N’ai-je pas, moi aussi, une place dans le jardin ? Une valeur à leurs yeux ?
Et si les plantes sauvages pouvaient parler, auraient-elles enfin des réponses à leurs questions ?
La connotation négative attachée à l’expression “mauvaise herbe” illustre bien notre vision anthropocentrée de la nature. Elle découle principalement d’une logique agricole productiviste. Depuis les années 1990, avec l’essor des herbicides, en particulier le tristement célèbre Roundup, longtemps le plus vendu au monde, l’élimination des plantes adventices est devenue une pratique banalisée. Facile d’utilisation, martelée par la publicité des géants de l’agrochimie, cette habitude s’est imposée, dans les champs comme dans les jardins.
Cette obsession du “propre”, du sol nu, sans herbe hors norme, a surtout profité à des multinationales des pesticides… au détriment de l’environnement. Mais à quel prix ? Car finalement, qu’est-ce qu’une mauvaise herbe, sinon une plante dont on n’a pas encore compris l’utilité ? En réalité, ces plantes spontanées sont loin d’être inutiles ou nuisibles. Elles ont une grande valeur botanique, écologique et parfois même médicinale. Elles participent à la biodiversité, aident à régénérer les sols, attirent les pollinisateurs et peuvent offrir refuge à de nombreux insectes utiles. Certaines sont même comestibles et riches en nutriments. Alors pourquoi s’acharner à les arracher sans discernement ou à les pulvériser avec des produits chimiques ?
Chaque espèce végétale joue un rôle dans l’écosystème. L’éradication systématique des “mauvaises herbes”, ces compagnes discrètes de nos cultures, est une habitude ancrée, mais ses conséquences sur la biodiversité et la qualité des sols commencent tout juste à être pleinement mesurées.
Aujourd’hui, il est essentiel de repenser nos pratiques. Le désherbage, qu’il soit manuel ou chimique, lorsqu’il est systématique et non raisonné, témoigne davantage d’une méconnaissance des écosystèmes que d’une réelle nécessité. Et bien souvent, ses effets négatifs surpassent largement les maigres bénéfices qu’on en attend. Espérons que ces quelques lignes vous auront permis de porter un autre regard sur ces plantes que l’on dit sauvages. Qu’elles vous donneront envie de les comprendre, de les respecter… et peut-être même d’apprendre à cohabiter avec elles, plutôt que de les faire disparaître.
Jardinier-paysagiste et géographe de formation, je suis passionné par le monde végétal et ses innombrables curiosités. Fondateur de la Graineterie Alsagarden et militant d’un jardinage en accord avec la Nature, je suis aussi un fervent défenseur des variétés anciennes, libres et reproductibles. Découvrez mon parcours, mon histoire et mes dernières publications via ce lien !